«Dieu, cela n'est pas, tant que ce n'est pas en pierre./ Il faut
une maison pour mettre la prière» : Victor Hugo a noté
l'évolution paradoxale qui amène le christianisme occidental
à exalter les monuments de la présence divine, alors que le
Christ et ses premiers disciples entendaient rompre avec le monde
matériel et avec toute sacralité ancienne incarnée dans la pierre pour
mieux faire sa place à la Cité spirituelle de Dieu dans l'au-delà.
Comment, pourquoi et quand Dieu est-il devenu de «pierre» ?
Comment, pourquoi et quand l'église s'est-elle imposée dans le paysage
social ? Telles sont les questions au centre de cette «histoire
monumentale de l'Église au Moyen Âge». À l'étude du discours que
les clercs latins ont tenu sur l'église-bâtiment, il s'agit de montrer
comment l'Église, en tant que force d'encadrement et de structuration
de la société, a gagné en visibilité terrestre à travers la constitution
de «lieux» considérés comme spécifiques. L'itinéraire proposé
permet de parcourir, tout au long du Moyen Âge (avec un intérêt
particulier pour les IXe-XIIIe siècles), les différentes étapes d'une histoire
qui finit par faire de la «cathédrale» le monument emblématique
d'une société largement utopique au sein de laquelle chaque
homme, comme une petite pierre, a sa place et sa fonction dans la
grande architecture du monde. C'est ainsi que la «Maison Dieu»,
exaltée comme une sainte personne, fait de l'Église une véritable
«Cène sociale» où se construit l'architecture communautaire et où
s'édifient les fidèles.