Dans la mesure où il n'y a d'insatisfaction qu'au regard d'un
désir, où seul un désir peut ne pas être satisfait, il faut conclure
que la relation originaire du sujet au monde, relation qui
commande l'appréhension de l'étant comme faisant défaut,
doit être définie comme Désir. C'est parce que le sujet, en tant
que sujet pour le monde, est en son fond désir qu'il ne peut se
rapporter au monde que sur le mode de l'agir : le désir est le
moteur du mouvement et donc la condition de possibilité de la
liberté. Le propre du désir est, en effet, que rien ne le comble
vraiment, que ce qui le satisfait l'attise tout autant, de sorte
que ce qui est visé dans le désir excède par principe ce qui lui
est donné, ce qu'il peut atteindre, et, en vérité, il n'y a d'écart
irréductible du visé et du donné que pour et par le Désir.
(extrait de la première étude, «Le sens de l'expérience»)