
Le problème de Molyneux a contribué à l'émergence d'une
dimension traditionnellement occultée de l'empirisme des
Lumières, celle qui se marque à l'idée de genèse perceptive : la
fiction de l'aveugle qui ouvre les yeux sur le monde donne à penser
que l'on ne perçoit pas de la même façon au cours des différents
âges de la vie. L'étude du «problème de l'aveugle» permet
ainsi de dépasser, en la fondant, la définition traditionnelle de
l'empirisme suivant laquelle les idées viennent des sens. Montrer
que nos perceptions font l'objet d'une histoire et qu'elles ne sont
pas d'emblée des idées, c'est établir, et non seulement soutenir
comme Aristote, que nos connaissances ont pour ancrage la sensibilité.
L'une des principales conséquences de l'idée de genèse
perceptive touche au statut du «sujet», qui n'est pas seulement
assujetti aux lois instituées par Dieu, mais, en un sens, construit
le monde sensible. À partir de là s'effectue un partage au sein de
l'empirisme : la genèse perceptive emprunte, au XVIIIe siècle, trois
grandes voies, dont celle de Condillac dans le Traité des sensations
apparaît comme la plus aboutie. Elle seule parvient en effet
à tenir ensemble la clarté des sensations originaires et l'idée d'apprentissage
perceptif, toutes deux également requises à l'accomplissement
du projet empiriste.
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