Il pourrait paraitre insolite de s'interesser aux " ennemis " de Diderot si l'on ne cherchait par la a comprendre pourquoi Diderot n'a jamais laisse indifferent, bien au-dela de son epoque. L'etude des reactions hostiles a sa pensee, voire a sa personnalite met en lumiere les motifs des malentendus, les raisons des resistances, les arguments des adversaires plus ou moins declares. L'image du philosophe, qui nous etait coutumiere, loin d'en sortir amoindrie, se dessine avec des contours plus nets et plus vivants mais devient aussi plus complexe. L'examen des receptions en France et a l'etranger, etudie par des specialistes de disciplines diverses, du dix-huitieme au vingtieme siecle permet de defricher un domaine encore peu explore, dont on ne presente ici que quelques exemples. Il en ressort que la ligne de partage entre les " amis " et les " ennemis " est parfois fluctuante et entretient des rapports avec le statut des ecrivains dans la societe d'Ancien Regime. Dans l'arsenal des themes anti-philosophiques, on remarque la singuliere pauvrete des arguments, la monotonie des attaques que ne compense pas toujours l'etincelante ferocite des pamphlets. Finalement se constitue un ensemble de lieux communs qui resurgissent a chaque debat sur la portee des Lumieres. Certaines positions philosophiques de Diderot liees au materialisme et a l'atheisme cristallisent durablement les antagonismes, alimentent les haines et les polemiques. La figure emblematique du philosophe demeure un enjeu politique et ideologique. Les commemorations auxquelles il a donne lieu n'ont cesse de dechainer les passions, au risque d'obscurcir le sens d'une oeuvre ou philosophie, litterature et politique se conjuguent et se melent: eclatante revanche de la posterite pour une oeuvre largement posthume, parfois difficile, toujours presente.

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