Le marquis de Sade, mort il y a deux cents ans, reste
vivant dans la légende noire qu'est devenue sa vie,
même et surtout pour ceux qui ne l'ont jamais lu, et ne
connaissent de lui que les échos scandaleux de sa biographie
et de son oeuvre pornographique, avec laquelle ils la
confondent parfois. Cet essai se propose de le considérer
avant tout comme un écrivain, en analysant, sous l'angle de
la curiosité, Justine ou les Malheurs de la vertu, un de ses
romans les plus connus. Mais il ne s'en tient pas aux aspects
les plus célèbres de ce corpus et s'intéresse aussi aux pièces
de théâtre, souvent négligées, et qui ne figurent pas dans la
réédition de l'oeuvre dans la collection de la Pléiade. Il
s'agit de s'interroger sur l'apathie dans les textes dramatiques
de Sade, au miroir de ses romans, où elle constitue
une des catégories majeures des libertins, aussi bien dans
leur pratique que dans leurs références philosophiques.
Sade est bien un écrivain polymorphe, car la vivacité de son
style éclate dans sa correspondance, notamment dans les
Lettres à sa femme, étudiées ici conjointement à son Journal
inédit, ce qui fait apparaître une obsession des «signaux»
de sa libération chez cet homme qui passa vingt-sept ans en
prison, sur les soixante-quatorze ans que dura sa vie, sous
la monarchie, la République, le Consulat et l'Empire.