Une appréhension de la réalité sub specie hominis, d’un point de vue strictement humain : Eugenio Garin caractérise en ces termes la pensée de la Renaissance, comme une humanisation de l’approche de la réalité « en termes de liberté, de volonté et d’action ». Cela ne signifie pas que le pragmatisme est le dernier mot de l’humanisme, ni que l’homme est la mesure de toutes choses, mais que notre connaissance est essentiellement une connaissance par les effets : effets naturels, effets de la volonté divine dans la nature, effets des volontés humaines libres dans l’histoire. C’est dire aussi que, si toute métaphysique, voire toute théologie n’est pas impossible, c’est seulement à condition de mettre en place des dispositifs permettant de s’élever à ces types de connaissances qui dépassent les capacités humaines. Les études que nous présentons sont consacrées à la philosophie naturelle chez Cardan, Telesio et Campanella, et au rapport entre nature et histoire chez Machiavel, Guichardin, Patrizi, Bodin et Montaigne. Elles s’attachent à montrer que la philosophie naturelle et l’histoire, en qualité de réflexions sur la théorie de l’action et sur les procédures du savoir, ont eu des rôles privilégiés dans la formulation de cette approche, dont un des enjeux principaux est le rapport des penseurs du xvie siècle à l’humanisme. Le caractère occulte de la volonté divine et des volontés humaines libres impose à la fois des limites et une identité propre aux tentatives de maîtrise de la réalité par la connaissance et par l’art humain, qu’il s’agisse, sur le versant pratique, d’élaborer un art du temps, ou sur le versant théorique, de rassembler la totalité de la mémoire humaine.