Une passante sur le pont
Voici le peintre hanté par le personnage d'une mystérieuse inconnue, rencontrée peut-être sur un pont plus symbolique que réel, ou probablement fille d'un rêve ou d'une rêverie. C'est avec fougue, émotion, lyrisme que Ségura évoque et célèbre cette beauté dans un élan que l'on peut qualifier de romantique : un terme qu'il revendique lui-même, prenant ainsi à rebrousse-poil une époque plutôt prosaïque et technocratique.
On pense à la Sylphide de Chateaubriand, aux Filles du feu de Nerval, à Lamartine et à son Elvire. Mais l'amour, on le sait, est hors du temps. Ici d'ailleurs ce qui s'impose c'est moins la dimension érotique et charnelle, omniprésente dans Aphrodisia, qu'une quête sentimentale, un désir d'absolu, de partage émerveillé des expériences et des émotions.
Est-ce par pudeur ou pour se protéger que Ségura, dans le texte préliminaire, propose une fiction ? Les manuscrits auraient été découverts dans un coffret acquis par hasard dans une brocante. Le je des poèmes serait donc un autre. On a peine à le croire, car la conviction et la tension de l'écriture révèlent que la hantise de la belle visiteuse est bien du domaine de l'autobiographie.