
À chaque seconde de projection, la télévision ajoute au film une vingt-cinquième image, comme
pour satisfaire plus rapidement sa boulimie de cinéma. Cette légère accélération a bouleversé
le secteur. L'effondrement de la fréquentation a mis le grand écran sous la dépendance du
petit, sa forte reprise au tournant du millénaire indique que les deux médias sont passés d'une
coexistence plus ou moins pacifique à un développement séparé mais solidaire. La télévision,
notamment sous ses formes les plus récentes, utilise des images du septième art pour assurer en
partie son expansion ; le cinéma, lui, se sert de ce marché pour assurer son financement
L'avènement du numérique a révolutionné cette industrie. L'utilisation d'un langage informatique
unique, alliée à la compression pour traiter et transporter image et son, banalise les
supports et les fait converger vers un modèle unique. Cette nouvelle technologie, qui démultiplie
les services rendus aux consommateurs et fait exploser la demande de programmes, a besoin
d'un marché de masse pour s'épanouir. Elle a engendré un processus de concentration horizontale
et verticale inédit dans le domaine de la communication même si certaines entreprises
prennent conscience que le gigantisme ne coïncide pas toujours avec la plus grande efficacité.
La compétition mondiale s'en trouve intensifiée et la domination américaine renforcée. En
même temps, frontières politiques et espaces économiques nationaux deviennent, grâce au
satellite et à Internet, de plus en plus virtuels. Dans ce contexte, les pouvoirs publics cherchent
les voies nouvelles d'un soutien plus opératoire et d'une régulation plus adaptée à l'économie
du secteur. Difficile entreprise car les nouvelles technologies diffusent partout dans le monde,
avec de plus en plus de précision et de rapidité, des contenus audiovisuels de toutes sortes en
adoptant la logique et les méthodes d'une économie de libre échange rétive à tout interventionnisme.
Image et son empruntent désormais mille canaux pour venir s'offrir aux individus,
contournant toutes les disciplines qu'on voudrait leur imposer, et cela au nom de la satisfaction
aveugle du consommateur en oubliant qu'il est aussi un citoyen.
La France a toujours développé une politique sophistiquée de protection de ses industries
audiovisuelles selon un modèle qui peu à peu s'exporte. En 2006, l'Unesco a ainsi adopté une
charte de la diversité culturelle.
Reste le septième art. Tant qu'il protégera son pouvoir d'émotion et que sa prestigieuse
mémoire hantera les esprits, sa survie devrait être assurée. Son seul atout est encore de conserver
vingt-quatre images sur vingt-cinq, d'exiger du public ce supplément d'effort qui entretient son
désir.
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