
Ne compte pas sur le public. Il verra ta ruine et n'en sera pas ému.
Ce parterre, qui semble t'adorer, te crie, à chaque instant, même au
milieu des bravos : amuse-toi et crève !
Jules Claretie
Chez les Grecs et chez les Romains, la course aux applaudissements
était à la fois une tricherie et un art. Les bandes rivales s'affrontaient en
claques établies et chacune défendait son lot de talents. Néron la formalisa
dans le seul but de se glorifier, tandis que les chefs politiques utilisaient
l'applaudissement pour manipuler le peuple. Le recueillement religieux
proscrivait toute tentative de libéralisation du spectateur au Moyen Âge et
les charivaris des mystères laissèrent la place aux terribles cabales du
siècle des Lumières. Puis vint le règne des claqueurs, Chevaliers du
Lustre, Commandeurs du battoir, payés pour applaudir et fabriquer du
talent à l'artiste. La claque avait ses règles, ses compromissions et ses
morts. Elle eut aussi cette prodigieuse force : celle de porter au génie tout
ce que le XIXe siècle avait d'utopique. Quel voyage plus étrange que celui
d'une mauvaise chose bien faite, la claque !...
Le droit d'exprimer son approbation est aussi le droit d'exprimer sa
désapprobation. La télévision utilise les techniques des claqueurs et
l'affaire Roberto Alagna à la Scala de Milan relance le débat.
Applaudir est une attitude et l'être humain compte sur les autres pour
ne pas s'en écarter. La bande primaire se protège en exécutant un acte en
apparence anodin ; qui n'applaudit pas sera exclu du groupe... C'est
quand applaudir fait le moins de bruit qu'on a le plus mal !
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