Depuis le déclin de l'Église et le renversement de l'ordre féodal,
la transformation de la nature par l'homme guidé par les
sciences exactes est bien acceptée. En revanche, l'on dénie toujours
à l'homme la possibilité de la transformation de la société guidée par
la connaissance de la vie sociale. L'émergence d'une telle conscience
possible est en effet entravée par le dévoiement néopositiviste organisé
dans les «sciences humaines» elles-mêmes, qui interdiront au niveau
social l'unité de la pensée et de l'action, en imposant des instruments
épistémologiques déformés. Car l'analyse adéquate des antagonismes
de classe contemporains pourrait avoir des conséquences désastreuses
pour les intérêts des classes exploiteuses.
Pour Lucien Goldmann, considérer la communauté humaine comme
un objet d'étude, coupé, isolé de toute transformation est déjà le fourvoiement
épistémologique fondamental de ces sciences. De là leurs
autres distorsions dériveront plus ou moins nécessairement : et notamment
en plaquant dessus directement et indûment la méthodologie des
sciences dures. Pour ce qui est de la connaissance de la vie sociale par
le sujet, l'unité de la pensée et de l'action exige d'être totale : il ne peut
y avoir en ce domaine de conscience vraie et partielle en même temps,
contrairement au domaine des sciences exactes.