
Il a habité tantôt en haut, tantôt en bas,
de plain-pied ou sous les toits, près du ciel
ou de la rue. Les témoignages contemporains,
ou la tradition orale qui a suivi, ne
retiennent, dans la cinquantaine de domiciles
parisiens qu'il a occupés, que des
mansardes ou des rez-de-chaussée. À
l'hôtel d'York - rebaptisé hôtel Baudelaire
parce qu'il y a passé quelques jours en
février 1854 - la femme de service m'a fait
visiter «sa» chambre et a récité recto tono
tout ce qu'on lui avait fait apprendre par
coeur comme un parfait guide de musée. Et
à l'hôtel Voltaire, sur le quai du même
nom, qui commémore fièrement son séjour
ici par une plaque de cuivre apposée sur
la façade avec les derniers vers du
«Crépuscule du matin», le réceptionniste
que j'ai interrogé, embarrassé, s'en est
tiré comme M. B., de la rue Frochot :
«C'était certainement en haut, au cinquième»,
a-t-il répondu après un moment
d'hésitation. Un poète ne peut vivre que
dans une mansarde, près du ciel, la tête
dans les nuages...
D. B.
Des vies, mais telles que la mémoire
les invente, que notre imagination les
recrée, qu'une passion les anime. Des
récits subjectifs, à mille lieues de la
biographie traditionnelle.
L'un et l'autre : l'auteur et son héros
secret, le peintre et son modèle. Entre
eux, un lien intime et fort. Entre le portrait
d'un autre et l'autoportrait, où placer la
frontière ?
Les uns et les autres : aussi bien ceux
qui ont occupé avec éclat le devant de la
scène que ceux qui ne sont présents que
sur notre scène intérieure, personnes
ou lieux, visages oubliés, noms effacés,
profils perdus.
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