
Qui ne se rappelle l'interpellation de Soljénitsyne en 1973 à l'adresse des
dirigeants grisonnants de l'Union des écrivains et, par-delà, du PC soviétique :
«Mettez vos montres à l'heure, Messieurs !» ? Telle est l'exhortation que l'on
voudrait parfois adresser à maints responsables européens ou non, prisonniers
de leurs réflexes conditionnés de russophobie. Mais l'Europe n'écoute
que d'une oreille cet héroïque imprécateur nostalgique d'une Russie orthodoxe
à demi mythique, qui n'était guère plus indulgent (on l'oublie trop facilement)
pour notre monde capitaliste, adorateur comme jamais du veau d'or, que pour
une Union soviétique confite en dévotions lénino-marxistes.
Mais à quoi bon de longs discours ?
Intitulé Combats pour l'histoire russe, ce recueil, qui puise aux sources
russes originales et qui rend ainsi à la Russie voix au chapitre, aurait pu aussi
bien s'intituler plaidoyer pour l'histoire russe : non pas pour une histoire
accusatrice ou partisane mais pour une histoire indépendante, contradictoire,
et objective, autant que faire se peut. Quel que soit le thème abordé, nous
n'avons eu d'autre parti pris que celui de l'objectivité, plus méritoire qu'il n'y
paraît sur un sujet aussi controversé que le grand roman national d'une Russie
millénaire.
En multipliant les points de vue sur le passé de la Russie, objet des partis
pris les plus contradictoires, ce recueil ne se borne pas à rappeler certains épisodes
significatifs de l'histoire russe, mais il s'efforce également de les replacer
dans le contexte culturel et socio-politique qui était le leur ; et il permet au
lecteur, en l'introduisant dans les coulisses mêmes des événements, de juger
sur pièces et de reconsidérer ou de remettre en question ses certitudes sur
l'histoire de ce pays qui n'a pas, tout compte fait, moins de raisons d'être fier de
son passé que d'en rougir.
C'est à ce voyage de découverte et d'exploration d'un pays qui souffre d'un
besoin de reconnaissance, et qui mérite d'être mieux connu et reconnu, que
nous invitons donc notre lecteur. Puisse cet ouvrage, à égale distance des
conformismes de droite comme de gauche, favoriser une meilleure compréhension
mutuelle entre les deux moitiés d'un continent toujours séparées par
un mur d'incompréhension et d'ignorance réciproques, et convaincre ses lecteurs
que faire sa place à la Russie ne signifie nullement affaiblir ni diviser
l'Europe, mais au contraire l'enrichir.
Heureux serons-nous si ce plaidoyer en faveur d'une histoire dépassionnée
leur offre matière à réflexion, et les incite à porter sur ce pays un regard neuf,
ainsi qu'à lui reconnaître dans une Europe en voie de transformation la place
qui lui revient.
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