
Le pieux abbé d'Aubignac commit ce qui, aux yeux de nombreux
clercs, était la pire des impiétés : il osa prétendre sérieusement,
dans un ouvrage savant, qu'Homère n'avait jamais
existé ; il osa soutenir, en donnant la première histoire d'un
texte, celui de l'Iliade, que les poèmes homériques étaient des
«rapsodies» faites de brefs chants épiques de différents
auteurs, destinés d'abord à être chantés lors des fêtes, puis rassemblés
par un compilateur non moins anonyme que ces
poètes.
Un tel péché - péché contre la paresse intellectuelle, le
conformisme de la pensée - dut ne pas être pardonné. La publication
tardive des Conjectures académiques, presque quarante
années après la mort de l'abbé d'Aubignac, fit que ses idées
étaient devenues celles de Charles Perrault, dans le Parallèle
des Anciens et des Modernes, auquel Boileau répliqua vigoureusement.
Mais surtout, bien plus tard, en Allemagne, Wolf
devint le héraut de l'«athéisme» homérique - un «athéisme»
chez lui moins clair, plus prudent -, en ouvrant une ère nouvelle
dans l'étude des littératures anciennes, mais en usurpant
une gloire qui revenait à l'abbé d'Aubignac.
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