
L'étude d'un objet particulier : le tableau-événement que
constitue La Baigneuse de Courbet en 1853, fait apparaître la
densité des enjeux souvent résorbés sous le terme de «scandale».
Le souci d'archive et la perspective d'analyse, «au plus
près» du tableau, font apparaître une part du conditionnement de
notre pensée critique et artistique, depuis le XIXe siècle. La référence
aux ruptures et aux actes de naissance relève d'un pouvoir
de la catégorie, qui permet au récepteur d'une oeuvre le repli vers
une rationalité. Elle épargne la difficulté de l'engagement, parfois
violent, parfois intime, dans une rencontre esthétique, où
prime la sensation. Les critiques, le public - et sans doute à certaines
heures, chacun d'entre nous - sont souvent avides de
mythes fondateurs, de reconstructions qui relèvent d'un esprit de
système, ancré dans l'origine même de la pensée rationnelle.
À partir de la Renaissance, la présence du spectateur impliquait
un regard spécifique, assigné : l'oeil du lecteur, sinon du
Prince. Notre position critique doit cependant faire droit à la
mise en cause plastique de ce système de valeurs, au milieu du
XIXe siècle. Le dérangement, la perturbation, suscités par le
tableau «moderne» engendrent une mise en cause sur le plan
épistémologique. Sortir de cette primauté du lisible sur le visible,
nous impose alors de perdre notre position de maîtrise. Quitte à
n'y rien voir, comme on l'a reproché aux commentateurs de
Courbet en 1853, il s'agit donc de prendre un risque : risquer
ainsi une méthode, qu'on pourrait appeler une «métanalyse».
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