
«Mon corps est épuisé, écris pour moi, raconte cette
mère oxydée par les mots, érodée par les lettres. Tu as le
droit de tout dire.»
Comment obéir à une telle injonction ? Suzanne est
romancière et fille de romancière. Dès l'enfance, les mots
ont irrigué ses organes en croissance. Mais au chevet de sa
mère mourante, Suzanne ne sait plus si elle écrira encore.
Les mots ne lui appartiennent pas, elle les a reçus en héritage,
et même les souvenirs d'enfance de sa mère, dans un village
des montagnes libanaises, semblent supplanter les siens.
Alors monte en Suzanne une inquiétude : et si cet héritage
était une dette ? Et si, de livre en livre, sa mère n'avait jamais
cherché qu'à se débarrasser d'un fardeau qu'elle aurait
fini par lui transmettre ? Or Suzanne a déjà trop écrit pour
ignorer qu'une dette contractée en littérature ne peut se
solder qu'en littérature.
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