
Ce que Mathilde vient chercher en Grèce, le sait-elle vraiment ?
D'abord, elle ne s'attend pas à y rencontrer ce Grec hautain qui se
prétend son esclave et la toise de ses yeux bleus, ce Sakis, vendu au sulfureux
Ali Pacha. Comme tant de voyageurs du dix-neuvième siècle,
comme lord Byron, le grand poète anglais, l'antiquité la fascine. Mais,
depuis quatre siècles, le joug ottoman pèse sur le sol grec : aussi est-ce
une tout autre réalité qui s'impose.
Dix-sept ans ont passé depuis les tragiques événements de la
Révolution française (cf. Mathilde ou les Écirs de la passion et Nul ne
la prit fors le vent). L'Europe se partage entre royaumes et empires. Le
rêve de 1789 est-il donc éteint ? Non, partout dans les Balkans, les
idées des Lumières essaiment ; et les Grecs dispersés chantent la
Marseillaise dans leur langue. Alors, quand une ville entière se sacrifie
à la cause de la liberté, hommes, femmes et petits enfants ; quand
les klephtes, ces bandits d'honneur, bravent la mort et les supplices
turcs ; quand des étrangers de toutes les nations viennent mourir à
leurs côtés, le Sultan, à Constantinople, voit son croissant se ternir.
La Dioné d'Ali évoque un épisode méconnu de l'histoire de l'Europe
et pose la question de l'individu, écrasé par un pouvoir implacable, et
de son engagement. Quel peuple pouvait secouer sa servitude avec
tant d'héroïsme ? A l'exemple de leurs glorieux ancêtres, les Grecs de
ce temps-là conquièrent, dans le sang et les larmes, la dignité de l'éternel
humain. Missolonghi n'est pas «morte mille fois» en vain.
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