Penser le corps, c'est se mesurer à la difficulté de « penser ce qui est différent de la pensée » (Adorno). Benjamin relève ce défi pour sonder la crise de la philosophie de la conscience et en comprendre les effets. « Notre corps - notre propre corps - », écrit-il dans l'essai qu'il consacre à Franz Kafka, « est la contrée étrangère la plus profondément enfouie dans l'oubli ».
L'oeuvre de Benjamin, des écrits de jeunesse jusqu'à ceux qui restent inachevés à sa mort, peut se lire comme un long effort de remémoration visant à rendre au corps sa juste place dans la pensée. En se faisant l'explorateur de la « contrée étrangère » qu'est le corps, Benjamin suit un parcours philosophique qui se distingue radicalement des autres variantes de la Théorie critique.