Ce que les Romains ont nommé ius fut d'abord une parole jurée. C'était le serment que l'on prononçait à l'issue d'un sacrifice, au moment de l'abattage de la victime animale, afin de lier dans une norme commune tous les participants. Telle est la thèse développée dans le premier volume de cette quête des formes premières du droit (La parole impérieuse, Puf, 2020).
Ce second volume poursuit l'enquête dans l'analyse de la relation de deux formes originaires, du sacré et du juridique, appréhendées comme deux constructions rituelles connectées. La première est la matrice de la seconde. Elles s'éclairent mutuellement. Dans sa forme spécifiquement romaine, le sacré est indissociable du sacrifice. Est sacré ce qu'effectue l'action sacrificielle et tout ce à quoi elle touche, les choses et les concepts. Les notions de sacré, saint, profane, en procèdent. Elles ont fait l'objet d'un réexamen, en même temps que se précisait leur articulation avec un ordre juridique en gestation.
Mais pourquoi les Romains ont-ils dit sacer, sacré, le proscrit qui était rejeté à l'extérieur du droit, déchu de tous les attributs du sujet, celui qu'il était loisible à quiconque de tuer impunément ? Les sciences humaines ont longtemps buté sur cet apparent paradoxe. Longtemps, elles ont cru devoir le transposer en un autre : c'est l'idée que le sacré aurait été à l'origine un « ambivalent », aussi parfaitement répulsif que respectable. L'analyse rigoureuse des rituels connectés permet d'y apporter une tout autre élucidation et débouche sur une ample révision des rapports entre religion et droit dans le monde romain, jusqu'à expliquer cet autre apparent paradoxe : comment une culture antique profondément religieuse a-t-elle enfanté la forme juridique profane qu'elle nous a transmise ?