Aux temps féodaux, la famille du monde roturier des plateaux du Nord n'avait rien d'un « clan », d'un « lignage », ni même d'une communauté familiale élargie. Exclusivement nucléaire, elle était dominée par le couple, qui maîtrisait à son profit la transmission des biens. Cependant, du XIIIe au XVe siècle, la conjugalité recule devant le renforcement continu des relations de parenté. Au terme d'une chaîne séculaire de mutations, s'installent partout des coutumes matrimoniales et successorales qui consacrent la prépondérance des liens du sang. Cette évolution contredit le schéma, longtemps reçu, qui voyait la famille médiévale cheminer toujours du large à l'étroit, de solidarités parentélaires amples et intenses vers la reconnaissance d'espaces propres au couple et à l'individu. Elle s'explique, semble-t-il, par l'interaction des structures de la famille et des liens de dépendance. Les deux âges de la famille roturière correspondent à deux temps de l'histoire des pressions qu'exercèrent sur elle, puis relâchèrent, la seigneurie foncière et la commune bourgeoise. Telle est la thèse qui sous-tend cet ouvrage. Elle est étayée par une enquête qui parcourt un vaste champ de recherche : réexamen de la géographie coutumière, critique formelle de sources normatives et surtout dépouillement de grandes séries d'actes (contrats de mariage, jugements). Son objet est le droit coutumier, mais l'auteur a cherché avant tout à atteindre les pratiques sociales et à les restituer à tous les cadres, économiques, politiques, mentaux, où elles s'inscrivent. Ce livre s'adresse à tous ceux, historiens, anthropologues, sociologues, juristes, qu'intéressent les destinées de la famille médiévale.