
«Je suis un irrégulier. Je n'adhère à rien à part entière. Tous les camps me sont
tantôt proches, tantôt étrangers», déclarait Romain Gary. «Irrégulier» : combattant
qui n'est pas du rang, franc-tireur, partisan. Affirmation d'indépendance provocatrice
dans un après-guerre dominé par la surenchère à l'engagement et qui enrégimente
les artistes. Les réfractaires en rupture de ban idéologique - Romain Gary, Louis
Guilloux, Jean Malaquais, Marc Bernard, Jean Meckert, parmi d'autres - racontent
la passionnante (et souvent cuisante) histoire de ceux qui, avec un idéal plutôt ancré
à gauche, ont résisté à la pression stalinienne et à ses avatars esthétiques.
Car irréguliers politiquement, ils le furent aussi esthétiquement. Pas de parti, pas
d'école littéraire. Tirant de la guerre une croyance renouvelée dans les pouvoirs de
la fiction, du récit et des personnages, loin de tout conformisme narratif, ils récusèrent,
par leurs oeuvres, les fausses alternatives de l'embrigadement et du dégoût ou du
panache désespéré, tout comme les positions du Nouveau Roman. À l'écart des
mouvements littéraires dominants, ils ont ouvert des chemins originaux que les
générations suivantes emprunteront à nouveau à la fin du XXe siècle.
Ce dossier rapproche des parcours et des oeuvres qui, s'ils furent avant tout individuels,
révèlent les failles, les contradictions et les aveuglements d'une époque extrêmement
politisée, esquissant une autre vision de l'histoire littéraire de cette période.
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