Par suite de quel malentendu des êtres animés par les meilleures intentions peuvent-ils se faire autant de mal ? C'est une question qu'Ingmar Bergman n'a cessé de se poser à propos de ses parents dont il a ici essayé d'imaginer et d'analyser la vie jusqu'au moment de sa propre naissance.
Cette histoire se déroule donc dans une Suède encore assez idyllique, que connaissent bien les spectateurs de son film Fanny et Alexandre. On y perçoit cependant déjà la montée des conflits sociaux et la fragilisation non seulement d'un certain monde bourgeois mais aussi d'une conviction religieuse, où idéal et ambition tirent parfois dans des directions divergentes. Si les différences sociales ne sont pas spectaculaires mais, somme toute, assez conventionnelles, elles sont amèrement vécues, de même que les différences de tempérament, malgré les «meilleures intentions» manifestées de part et d'autre.
Ingmar Bergman s'est souvent penché sur ces problèmes, vus sous des angles différents : la foi et le doute dans Les communiants, joie de vivre et tendresse opposées au fanatisme réparateur d'on ne sait quel désarroi dans Fanny et Alexandre, rapports du couple dans Scènes de la vie conjugale ou dans De la vie des marionnettes.
Dans ses Mémoires, Laterna magica, il a brossé un tableau assez dur de ses parents, en particulier de son père, pasteur sévère, tyran domestique et, en même temps, homme de devoir désespérant de pouvoir assumer ses responsabilités d'époux, de père et d'homme de foi.
Ici, par un retournement assez spectaculaire, les sympathies de l'auteur semblent aller à cet homme violent et étrangement gauche, conscient de ses maladresses et persévérant malgré lui dans ses erreurs. Il nous montre aussi la naïveté un peu coquette des bonnes intentions de sa jeune épouse. Il en résulte un livre qui n'est ni un document - bien que tissé de souvenirs et de faits sans doute vrais - ni vraiment un scénario, ni tout à fait, par l'importance donnée aux dialogues, un roman au sens traditionnel du mot.
Le film tourné par Bille August a reçu la Palme d'Or du festival de Cannes 1992.