Le lien qui unit un être à son passé revêt de multiples formes. Si le
romantisme a souvent converti ce rapport en déploration nostalgique,
inséparable d'une certaine délectation fondant l'ambiguïté de l'anamnèse,
il en va autrement de la modernité. Dans les Romances sans paroles comme dans Une
saison enfer et Les Illuminations, Verlaine et Rimbaud mettent en place des stratégies de
sortie de crise. Le symbolisme de Marie Krysinska trouve, à travers une libération
formelle, l'expression d'un détachement de la mémoire qui n'abolit pas pour
autant l'inquiétude. Nourries de références et d'allusions angoissées, les oeuvres
de Raymond Queneau et de Louis Malle réactivent les grands thèmes baroques et
maniéristes, l'un à travers un roman profondément expérimental, l'autre à travers
un langage de l'image, qui est celui également de Richard Viktor-Sainsily, peintre
qui interroge les fantômes du monde en devenir de la Caraïbe. Ainsi, tous ces
écrivains et artistes cherchent à «sauver quelque chose du temps où
l'on ne sera plus jamais» comme l'écrit Annie Ernaux.