
La vie pensante de Nietzsche se termine en Italie. Succèdent au
ciel alcyonien, l'orage et la bourrasque. Après avoir hanté les plus
belles cités de la péninsule, de Gênes à Rapallo, de Rome à Venise,
le philosophe se brise net dans une petite rue de Turin. Ses derniers
écrits sentent la poudre et la foudre. On les attribue, généralement,
à un esprit au bord de l'abîme mais encore suffisamment
lucide pour en assumer l'entière responsabilité. Peut-être ont-elles
un peu plus de vindicte que les précédentes, celles des années de
plénitude, un peu plus de fiel.
Les paysages italiens se sont inscrits à jamais dans le déroulement
de sa pensée et les paysages de l'esprit (les topoï) s'en sont enrichis
d'autant. Topos ou raisonnement, structure mentale, élaboration
d'une pensée cohérente. Et justement, ce qui doit retenir notre
attention, c'est bien la façon de penser de Nietzsche. Ce qui attire
l'enthousiasme sur ce penseur c'est sa facilité apparente d'esprit, la
façon qu'il a de hasarder les idées de toutes natures, donnant ainsi
l'impression qu'il les maîtrise pleinement. De ce fait on le sures-time
souvent parce que l'on croit le comprendre, surtout là où il
n'y a presque rien à comprendre. Nietzsche ne pense pas, il délire
et toutes ses idées sont des fulgurances plus ou moins appropriées
et qui tombent justes de façon souvent aléatoires. On parle volontiers
d'intuitions foudroyantes et visionnaires. Mais l'intuition a
bon dos, car elle permet de tout justifier, sans suffire assurément.
L'impact de ce philosophe est d'autant plus forte, que mis à part
des aphorismes réussis mais qui n'apportent pas de révélations surprenantes,
il reste souvent dans un flou artistique. Voilà tout le
génie de Nietzsche : donner à penser que l'on pense...
Toutefois on ne méconnaît pas ici sa dimension de chasseur
d'idées.
Nous publions uniquement les avis qui respectent les conditions requises. Consultez nos conditions pour les avis.