La Roumanie de la seconde moitié du XIXe siècle, marquée par un processus accéléré de construction de l'État-nation, voit une partie de son élite intellectuelle traverser une crise profonde de remise en question du modèle de modernité nationale adopté après 1848. Formulée en termes de « formes sans fond » par Titu Maiorescu, chef d'un cénacle ayant vu éclore la plupart des grands noms de la littérature de l'époque, cette critique met le doigt sur les contradictions identitaires propres aux « petites nations » tout en continuant de mobiliser la pensée occidentale de son temps. L'engagement de la philosophie dans ces problématiques apparaît déterminant pour les orientations de ces penseurs qui se trouvent à l'origine de la culture roumaine moderne, tout comme pour expliquer les déchirements intellectuels roumains du XXe siècle dont Cioran, Eliade ou Ionesco, dans leur dimension européenne, sont aussi des héritiers.