
Le 13 juillet 2002, à 18 h 01 min 43 s, tout en haut de la tour du Stratosphere
Hotel de Las Vegas, Levi Presley enjambait la rambarde qui
le séparait du vide. 350 mètres plus bas, soit 9 secondes plus tard, il
trouvait la mort sur l'asphalte de la rue ramolli par la chaleur d'un
été torride. Il pratiquait le taekwondo. Il avait 16 ans.
En 2005, l'écrivain John D'Agata envoie à la célèbre revue américaine
The Believer un essai dans lequel, à sa façon bien particulière, il
s'empare de ce fait divers tragique. L'éditeur de la revue confie alors
au stagiaire Jim Fingal, un fact-checker débutant, le soin de recouper
les éléments factuels qui émaillent le texte de l'écrivain. Ce sont cet
essai (au centre de la page) et les échanges entre auteur, fact-checker
et éditeurs (tout autour de l'essai) qui sont donnés à lire dans Que
faire de ce corps qui tombe. Qu'est-ce qu'un fait ? La chute de Levi
Presley a-t-elle duré 8 ou 9 secondes ? Le revêtement du sol sur
lequel le corps du jeune homme fut retrouvé était-il de couleur
rouge ou brune ? Le mot «suicide» existe-t-il en hébreu ?
Autant de questions qui en appellent d'autres, plus fondamentales
: peut-on faire montre d'imagination dans le cadre de la
non-fiction ? N'est-ce pas attenter au respect ancestral dû à un mort
que d'inventer délibérément les circonstances de sa disparition ?
Qu'est-ce que le vrai ? Dans ces échanges tour à tour drôles, émouvants,
doctes, naviguant entre débat et combat, virant parfois à l'injure,
et, jusqu'à sa vertigineuse et bouleversante chute, Que faire de
ce corps qui tombe interroge, avec subtilité, notre délicat rapport au
réel.
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