
Une lecture érotique de l'oeuvre de Raymond Queneau peut
surprendre le lecteur convaincu à juste titre de fréquenter un auteur
pudique. Cependant, il existe un Raymond Queneau plus coquin que
ne laissait supposer sa réputation, un Queneau qui lit et écrit des textes
hardis, publiés - ou écartés de la publication par lui-même... Cette
réalité thématique d'ordre sexuel ne concerne pas uniquement certains
textes qui, contrairement aux préjugés des exégètes, ne constituent pas
une singularité : cette sexualité manifeste est la partie émergée d'une
réalité érotique omniprésente, sous-jacente et soumise à la censure.
S'inscrivant partiellement dans la veine érotique du vingtième siècle, il
puise dans ces écrits des techniques d'écriture, une recherche poétique
qui va de l'humour à la réflexion ordonnée aux mots. Cette attention
aux mots et à leur ordre - qui expriment parfois un désordre sexuel -
reste l'aspect le plus marquant de l'érotisme de Queneau, qui établit un
rapport quasi-charnel avec le langage : en effet, ce langage apparaît
comme un corps féminin à regarder, à explorer. C'est également une
réalité permettant les transgressions, et un corps à pénétrer pour en
jouir. Comme si Raymond Queneau - cet homme si discret et si
réservé - jouissait, devant et avec son lecteur, des plaisirs du langage.
Cette jouissance procurée par l'écriture, cette intime relation entre le
livre et le sexe, développent alors une dynamique jubilatoire dans un
espace poétique où création littéraire et sexe se confondent dans une
même unité.
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