Comment la littérature prend-elle en charge les grands
bouleversements historiques qui affectent notre civilisation
en profondeur, telle est la question qui gît à l'arrière-plan de
cet essai consacré au plus singulier de nos écrivains : Rétif
de La Bretonne (1734-1806), fils de paysan devenu l'auteur
d'une oeuvre immense trop souvent réduite à sa part autobiographique,
voire à son seul aspect érotique.
À l'encontre de ces lectures réductrices, ce livre suggère
que l'axe central de l'oeuvre correspond à une tension socio-historique
parvenue à son point d'exacerbation dans les
dernières décennies de l'Ancien Régime : celle de l'Individu
et de la Communauté, formulée pour la première fois en toute
clarté à l'occasion de la Révolution, dont le texte rétivien
enregistre à sa manière la fracture décisive.
Aussi l'oeuvre proliférante de Rétif de La Bretonne est-elle
appréhendée ici à partir de ce point de vue exclusif et
partial réclamé par Baudelaire, pour peu qu'il «ouvre le plus
d'horizons».