
Le capitaine Alfred Dreyfus fut réhabilité le 12 juillet 1906 par un arrêt de la Cour de
cassation. Cet acte solennel et officiel détruisait l'accusation de «haute trahison»,
attestée par deux conseils de guerre, du brillant officier juif, intellectuel et
moderniste, dont il proclamait la pleine et entière innocence.
Tout au long d'un combat de plus de douze ans, combat finalement victorieux
contre le nationalisme, l'antisémitisme et la raison d'État, où le régime républicain
et la société française durent admettre la primauté des valeurs de justice et de
vérité, l'École normale supérieure joua un rôle décisif qui marqua profondément
l'institution, ses élèves, ses enseignants et, au-delà, l'ensemble du monde intellectuel
et scientifique.
Parmi ces normaliens, dreyfusards de la première heure - Lucien Lévy-Bruhl,
Salomon Reinach, Alexandre Bertrand, Paul Appell -, il faut rappeler avec force le
rôle de Lucien Herr, socialiste, germaniste et philosophe, directeur de la
Bibliothèque des lettres de la rue d'Ulm. Sa conviction précoce puis son engagement
total furent déterminants, à la fois pour lancer le mouvement dreyfusard à partir de
janvier 1898 et pour mobiliser toute la communauté normalienne.
Cette mobilisation inaugura des pratiques collectives ou individuelles, analytiques
ou critiques, brèves ou déployées, bref un ensemble de postures et de procédures
qui constituèrent ce qui fut appelé le mouvement des «intellectuels» au cours de
l'affaire Dreyfus. Peu nombreux, les antidreyfusards de l'École furent emmenés
par des conservateurs catholiques, tels les académiciens Jules Lemaître ou
Ferdinand Brunetière. Naquirent alors des débats passionnants et victorieux sur
la légitimité du rôle du chercheur dans la cité et le devoir de connaissance dans
l'engagement.
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