
Il y a un vif contraste entre la tradition spéculative de l'art, née au début du XIXe
siècle, et les formes éclatées de l'art moderne et contemporain.
Les doctrines de l'art qui regroupent des philosophes et des poètes romantiques
et se prolongent de nos jours entendent théoriser et normaliser l'art en le soumettant
aux impératifs d'un savoir extatique : l'art ouvert à la vie de la nature et du cosmos
serait révélateur de l'être. Tel serait le pouvoir sacral de l'art.
Plutôt que de partir d'un savoir doctrinal pour espérer rejoindre les oeuvres, peut-être
vaut-il mieux répondre à une question essentielle : comment comprendre une
oeuvre d'art qui se présente comme une quasi-personne, c'est-à-dire comme un être
vivant et spirituel qui se donne un ton et un style et qui, par l'ampleur et la
nouveauté de sa vision, élabore son contenu de vérité ?
Par là, on peut espérer comprendre l'oeuvre de notre époque, tourmentée par une
liberté sourcilleuse que ne vient borner aucun critère, aucun repère, aucun modèle
et qui ressemble à un laboratoire de recherches.
En ces temps de détresse et d'exaltation où peintres et écrivains font prévaloir le
thème de la catastrophe, le pouvoir sacral de l'art, affaibli, n'a pas disparu : en
transfigurant le réel, l'«aura» de l'oeuvre d'art consacre l'alliance de l'horreur et
de la beauté, de la répulsion et du plaisir.
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