Une fois que l'idée a jeté son voile occulte sur le présent, le
sceau est rompu pour qu'y entrent les créatures qui peuplent nos
songes. Gardien des symboles, le sphinx triomphe, car le paradoxe
fait voix non pas à l'imaginaire seul, mais à un réel où règne
l'union des contraires et vivent les mythes.
Le style fait valser avec élégance et éloquence quelques couples
improbables : Rilke et Éluard ; Benediktsson et Lao Tseu.
Vêtus de rouge et de noir, les mots s'y changent en formules
incantatoires pour tisser les sentiers d'un voyage initiatique dans
les contrées oubliées du mystère. Il nous faut voguer sur un
fleuve de sensations avant d'atteindre l'Île où se rejoignent dans
l'empire du Grand Oeuvre, deux soeurs séparées à la naissance :
poésie et métaphysique, éternelles prêtresses du sens.
Andreea-Maria Lemnaru jouit du secret philosophal de convertir
sa pensée en être. C'est l'une de ces gemmes que l'on pense
impossibles, mais qui n'étaient qu'enfouies et tenues secrètes.
Lorsque trop de poètes se sont étouffés d'émotion et pensèrent
lors que l'ineffable suffisait, son éclat résurgent produit avec force
les mots de pouvoir qui jadis tissèrent les arcanes de l'esprit.
Aurélien Merle,
enseignant-chercheur en philosophie à Lyon III