Les activités artistiques suscitent de nombreux marchés au point d'y
voir les leviers possibles d'un développement soutenable et d'une société
créative. Pour en comprendre les ressorts, il nous faut partir des regards
portés sur l'art : un regard désintéressé qui y voit la source d'une émotion,
du « je ne sais quoi de Kant » ; un regard intéressé qui y voit la possibilité
de résoudre des problèmes de loisirs et d'éducation, d'embellissement
des marchandises, d'attractivité des territoires. L'imbrication croissante
de ces regards permet d'identifier trois régulations : un marché d'avant-
garde dominé par les regards désintéressés où la confiance mutuelle des
acteurs est déterminante ; un marché fil du rasoir mêlant ces deux regards
et nous rapprochant des loteries ; un marché-portail où, en monnayant
l'attention d'une audience, les médias et Internet font aussi bien remonter
l'argent des publicitaires vers les créateurs qu'ils le gardent pour eux et
deviennent alors des parasites.
Les racines de ces débats remontent aux naissances concomitantes
de l'esthétique et de l'économie politique au Siècle des lumières. Là
où l'esthétique faisait miroiter un particulier au sein de quelque chose
de général, l'économie politique entendait déjà fondre cette variété
des ressentis dans un numéraire généralisé. Articuler ces champs de
connaissances soulève aujourd'hui de nombreux défis : L'art peut-il se
vouloir désintéressé quand l'argent fonctionne à l'intérêt ? L'économie
des arts est-elle maudite ou porte-t-elle en germe les prémices d'une
nouvelle économie de partage ? En instrumentalisant l'art, la culture
n'en réduit-elle pas la puissance ?