Bien sûr, on prétend écrire à ses amis «au fil de la plume»
Mais qu'en est-il vraiment ? Les auteurs portugais, brésiliens
ou africains d'expression portugaise dont il est
question dans ce volume ne sont pas dupes de l'apparente
improvisation du style épistolaire. Ils en usent au contraire avec
beaucoup de souplesse et d'habileté dans leurs oeuvres en prose
ou en vers, qu'il s'agisse d'authentiques missives ou d'épîtres
imaginaires. La lettre-dédicace du mathématicien Vernier,
adressée à la princesse qu'a épousée l'ancien vice-roi du
Portugal, présente une invention scientifique ; le poète Bocage
ose inventer en plein XVIIIe siècle deux jeunes correspondantes
éblouies par la découverte de la sexualité ; Lídia Jorge construit
un roman autour d'étranges échanges épistolaires. Le mozambicain
Mia Couto fait de l'unique lettre d'un fils à sa mère un
trait d'union magique. On voit aussi comment deux anthropologues
passionnés par le Brésil livrent leurs motivations et leurs
drames intimes dans les lettres qu'ils s'adressent ; en revanche,
Carlos Drummond de Andrade, fils respectueux, conserve une
étonnante réserve lorsqu'il écrit à sa mère ; quant à João
Guimarães Rosa, il collabore à la traduction de ses propres
oeuvres grâce aux indications qu'il envoie à ses traducteurs ;
Ariano Suassuna rénove la tradition de l'épître en vers pour
évoquer la mort ; Raduan Nassar, lui, compose toute une histoire
sous la forme d'une lettre de rupture ; Ana Cristina César
s'inspire d'un poème de Baudelaire pour écrire une magnifique
«Lettre de Paris». Ainsi, on voit que l'épistolaire ne cesse de
nourrir la création dans tous les domaines, et de révéler ainsi la
pensée profonde des créateurs.