À la différence de Robespierre, qui a l'avantage d'être haï, Babeuf
est seulement méprisé. La gloire du premier contraste avec l'obscure
carrière du second. À travers ses journaux, l'auteur met en lumière
cet homme, plébéien par droit de naissance, sublime par vocation,
martyr par obligation ; ce philosophe qui, loin de pousser à la violence
armée, à la terreur, voulut conjurer la misère.
Babeuf rédigea et publia deux journaux ; successivement, le Journal
de la liberté de la presse et Le Tribun du peuple, ou le défenseur des droits
de l'homme. Les citations faites ici respectent exactement le texte.
Le premier fut son énorme erreur, aveuglé qu'il fut par sa détestation
de la tyrannie. Ce journal est le témoignage poignant de l'événement
majeur, qui ruina la Révolution, et qu'une lecture mensongère
falsifia. Cette erreur, qu'il répara avec Le Tribun du peuple, lui servit,
comme peut être utile à un esprit qui se méconnaît, d'errer jusqu'à
surmonter sa propre faiblesse. Mais cette erreur lui fut fatale pour la
postérité ; elle permit à de piètres lecteurs, à des esprits forts et à des
hâbleurs notoires d'affirmer que Babeuf à évolué, de thermidorien à
l'ultra anarchiste. Il ne fut ni l'un ni l'autre.
Lire Babeuf n'est possible que si l'on dispose de ses écrits, non
falsifiés, non tronqués, sans commentaire insidieux, et surtout sans
cet a priori qu'est une lecture selon la loi et les commandements ;
le marxisme le fut, le furétisme l'est, et bien pis. L'auteur ne prétend pas
à la neutralité axiologique ni ne se défend de sa profonde amitié pour
Babeuf : on ne peut comprendre que ceux avec qui on a en commun ;
autrement, on est assuré de porter des jugements faux et fondés sur
l'opinion commune.