
On a dit beaucoup de mal de lord Alfred Douglas, Bosie pour
ses amis. Le scandaleux amant de l'écrivain Oscar Wilde qu'il
avait connu à Oxford fut en effet malmené par l'opinion et bien
peu de livres lui rendent aujourd'hui justice. Il ne fut pas l'enfant
gâté, frivole et cruel que l'on a dit. Il demeura au contraire à
Londres pour pouvoir secourir son ami en dépit des risques
encourus, et il était là à la sortie de prison de Wilde, qu'il
accompagna à Naples et qu'il seconda dans l'écriture de la très
émouvante Ballade de la geôle de Reading.
Après la mort de Wilde, désespéré, lord Douglas, par l'effet
d'un masochisme inconscient, calqua sa destinée sur celle de
l'écrivain : procès, condamnation, séparation d'avec sa femme, la
poétesse Olive, privation de ses droits paternels, prison.
Comme Wilde, il fut pourtant un grand poète. Méconnu,
ruiné, traînant toute sa vie le poids de prétendues fautes qu'il n'avait
pas commises, Alfred Douglas paya aussi cher qu'Oscar Wilde
la malédiction attachée alors aux homosexuels anglais.
À travers l'évocation de ces deux destins parallèles et malheureux,
Isaure de Saint-Pierre dépeint avec brio une certaine société
anglaise alors scandaleuse, celle des artistes, des «copailles»
fréquentant les fumeries d'opium, celle aussi des écrivains, des
journalistes et des auteurs de théâtre. Et la vie brisée de lord
Douglas fait tragiquement écho à celle d'Oscar Wilde dont elle
est pour la postérité indissociable.
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