Mes nuits ne sont pas une sinécure. Très
régulièrement, vers trois heures environ, c'est le
temps de l'Annonciation. Une force ou une voix (que
d'aucuns appelaient Muse) me hèle, me tire du sommeil,
plutôt sans ménagement. Chaque fois, engourdi,
contrarié avant d'être ravi, je résiste, j'essaie... mais
c'est plus fort que moi, plutôt plus fort qu'elle puisque
la chère importune m'infiltre de force, dans une sorte
de nécessité ou de fatalité impérieuses. Me voilà donc
jeté au bas de la mezzanine, scotché à l'écran, rivé au
clavier qui crépite dans le silence tandis qu'elle me parle,
me titille, m'entraîne, me devance toujours, parfois me
persécute... Deux ou trois heures plus tard, le scribe
grimpe à l'échelle, comblé et chancelant. Et souvent se
rendort sans demander son reste. Mais le répit est de
courte durée et je ne suis pas tiré d'affaire. (...)