Au coeur même de La Havane, une vaste étendue clôturée, foisonnant de manguiers, d'anones, de saules, d'hibiscus, de palmiers : l'île. Au milieu des arbres, des statues mythologiques et, dissimulée dans un coin, la Vierge de la Caridad del Cobre, patronne de Cuba.
Le domaine était partagé entre l'impénétrable Au-delà et l'En deçà, vaste labyrinthe de maisons reliées par de si nombreux îlots et patios que leurs habitants parvenaient à s'y perdre, ignorant, au reste, la proximité de la mer. Des personnages hétéroclites : un vieux professeur passionné de poésie anglaise ; des gens charriés par des vagues de misère et de déveine ; une Cassandre appelée Comtesse-aux-pieds-nus ; Casta Diva, la cantatrice qui fignolait ses vocalises dans le cabinet de toilettes ; dona Juana, la nonagénaire jour et nuit sur son lit, un chapelet entre les doigts...
Tous, sous la chaleur étouffante, attendent la pluie, la fin du monde, la mort. Le jeune inconnu blessé, enveloppé dans le drapeau cubain, une plaie sanglante au cou, était-il un envoyé de la Providence, un ange de l'Apocalypse, ou le Christ en personne ?
Le 31 décembre 1958, date désormais historique, dona Juana a tendu la main et renversé la bougie près du lit, allumant l'incendie qui s'empara de l'île. En cet instant précis, le président Batista prenait la fuite et s'envolait vers la République de Santo Domingo...