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Écrit il y a une quinzaine d’années dans un Oflag poméranien, CIEL OUVERT occupe une place tout à fait à part dans l’œuvre de Roger Ikor. Voici en quels termes, sitôt terminé l’ouvrage, le futur auteur des EAUX MÊLÉES le présentait lui-même à un hypothétique lecteur. C’était en janvier 1945 : « Sous son apparente diversité de forme et d’inspiration, on saisira mieux, je pense, sa très réelle unité, quand on saura que l’auteur est depuis des années prisonnier de guerre et point près de cesser de l’être. — Arrête, lecteur ! Ces pages ne sont ni un journal de captivité, ni une description en règle de la « vie des camps », ni quoi que ce soit qui concerne directement les fameux barbelés. Je n’ai pas le moindre goût pour les épanchements publics et les cœurs en écharpe — passe encore pour un cœur de vierge ou d’aventurier ; mais le cœur pourrissant d’une bête en cage sent par trop mauvais. Quant à décrire la captivité, à peindre les barreaux de ma cage ou les immondices dans les coins, cette seule idée me sèche la plume. Je vis déjà en fait la captivité, je n’ai nulle envie de la revivre en pensée : une fois suffit. Je ne cherche qu’à oublier, à vivre ailleurs. « Si donc la captivité est constamment présente tout au long de ces pages, dont elle constitue le seul véritable lien, ce n’est pas sous forme de photographie, mais de négatif. Un captif qui chérit par-dessus tout la liberté s’évade par l’imagination et l’écriture quand il ne peut le faire autrement. L’art compte ici pour peu de chose ; c’est aux moindres frais esthétiques que j’ai écrit ce livre, ou plus exactement que ce livre, de lui-même, page à page, s’est écrit ; non pas œuvre littéraire, mais manière de vivre, procuration de vie durant ces « journées trop longues et ces années trop brèves. » « Et aussi médication. D’innombrables images, inconsistantes et changeantes, me hantaient sans répit ; j’avais beau les chasser, elles revenaient toujours, acharnées, sous une autre forme et pourtant les mêmes et pareillement épuisantes. J’ai tenté une cure. Pour me délivrer de ces hantises, je les ai fixées sur le papier le plus fidèlement qu’il m’était possible ; j’espérais ainsi les exorciser en leur donnant une existence indépendante. »