Constitution américaine et religion
L'exceptionnalisme en question
La question religieuse en Amérique s'apparente d'emblée, pour l'observateur européen, à une authentique bizarrerie. Dans cette époque où l'on prêche le rationalisme, les États-Unis n'auraient jamais réellement achevé leur processus de sécularisation. À ce stade, la lecture du juriste se heurte à une première difficulté : celle d'une lettre constitutionnelle qui opère une nette division entre les Églises et l'État. Contrairement à une croyance bien trop répandue, le droit accompagne cette division. Celle-ci, altérable, n'en demeure pas moins dogme infranchissable. Néanmoins, elle est constamment fragilisée par la présence de pratiques clairement religieuses, qui parsèment la vie publique et nourrissent bien souvent les étonnements. En mettant en exergue la notion d'exceptionnalisme, nous entendons ainsi offrir les instruments conceptuels permettant de comprendre, par le truchement de la Constitution, l'existence d'une république théocratisée et sécularisée tout au même moment. Au coeur de cet exceptionnalisme, la croyance des Américains en deux dynamiques qui ont, en leur temps, soutenu la formation du régime constitutionnel et demeurent encore aujourd'hui : l'Amérique peuple élu, l'Amérique porteur d'un destin exceptionnel.