Tchekhov est parti dans une guerre idéologique de dénonciation
du bagne à une époque où les frontières qui séparent le reportage
de la fiction demeurent encore singulièrement perméables. Il a
alors, chevillée au corps et à l'âme, la conscience d'être porteur
d'une mission civique avec pour vocation d'être «les yeux et les
oreilles» du public. À travers ces correspondances, il offre en effet
une vision alternative de la situation de la relégation et de la Sibérie
qui contraste de façon saisissante avec la version officielle ; il dévoile
la faute collective humaine, le manque aux valeurs de la nation et
espère susciter de facto une vague d'indignation et creuser l'écart
entre la propagande gouvernementale et la réalité qu'il découvre.
En partageant ses impressions, il répond in fine à tous ceux qui
lui reprochent de n'écrire que sur des riens...