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«L’Europe penche. Ses penchants sont irrésistibles. BABORD TRIBORD BABORD TRIBORD. Quoi entre ? Quoi : entre Albrecht Dürer peignant l’insensé signe d’une chute de météorite, et Joseph Beuys au cœur d’un carnaval, ayant écrit au tableau noir « The Brain of Europe » ? Quoi : entre neuf jours d’Aphrodisies à Paphos, et les neuvaines d’un village où les pèlerins venaient en traitement pour leur folie ? Les barges tanguent. Les bargeots ne sont pas toujours ceux qu’on croise. Les croisés, ils sont livrés à leurs nefs folles. Les mythologies du temps présent se conjuguent avec l’histoire des antiques. Le sel y met un peu de piment. On a localisé le clitoris de l’Europe, pas encore son cerveau. Complètement à l’Ouest ? L’oncle d’Amérique, de retour, pencherait pour. Qu’est-ce que l’Europe, vue du mur à Chypre, gentiment nommé : ligne verte ? Qu’est-ce que l’Europe, vue par les écrivains Jean-Paul de Dadelsen et Denis de Rougemont, qui se mouillent au Centre européen de la Culture ? Quand la confédération européenne devient leurre, Dadelsen fait résonner son poème dans le ventre de la baleine, traduit le livre d’un juge américain, frôle la poète Hilda Doolittle, succombe d’une tumeur au cerveau. La langue c’est de la lave. C’est fou ce qu’on la préfère refroidie, solidifiée, figée. Parfois de l’énergie s’évade encore de l’encre asséchée : celle de l’énigme atteinte. Qu’y peuvent les arts poétiques ? Mais. Parier sur l’inconnu. Inventer des narrés, avec ligatures et raccords à distance. Bousculer l’ordre causal. Modéliser l’hétérogène. Ne pas nous mener en bateau, ni céder aux vieilles lunes. Syncrétiser. Croiser les doigts.» Patrick Beurard-Valdoye