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« Demain sera féminin » affirme un personnage de Michel Houellebecq. On pourrait s’attendre à ce que ce soit là l’effet en Occident de l’égalité socio-juridique entre les hommes et les femmes et de l’avancée de la cause des femmes redevable aux conquêtes du féminisme. Décisifs et irréversibles, ces acquis ouvrent l’horizon d’une présence accrue des femmes sur la scène du monde. Ils n’épuisent pourtant pas la question. A côté, en parallèle, la formule requiert une approche du féminin non superposable à celle de la sociologie, fût-elle nécessairement en interaction permanente avec elle. Envisager le féminin autrement ne s’inscrit pas moins dans le cadre de la contestation contemporaine des normes rendue possible par une rupture historique avec la tradition. Mais c’est se situer sur un autre plan : celui de la logique de l’inconscient. Le hors-norme propre au féminin ressortit alors à ce que la psychanalyse théorise comme limites de l’ordre symbolique. Si le féminin se soustrait au patriarcat, c’est parce que cette marginalité (partielle) le situe au-delà de l’ordre œdipien phallique des pères. Par structure, les femmes sont « pas-toutes » phalliques. Ce qui n’est pas sans jeter un pavé dans la mare. Outre que ce féminin comme catégorie de pensée s’applique au champ de l’anthropologie, il renouvelle les débats actuels autour de l’identité sexuée. Les artistes (Bellmer, Soutine, Bacon, mais aussi des écrivains comme Pascal Quignard, Catherine Millet, Elfriede Jelinek, Nelly Arcan, ...) permettent de saisir quelque chose de cette part du féminin qui pose sous un jour nouveau la question polémique de l’indifférence des sexes. Ainsi, dans le processus de création, hommes et femmes occupent-ils une même place hors-sexe dont la marginalité s’accompagne de singulières jouissances. Ce qui n’exclut pas la nécessité d’articuler position d’indifférence sexuelle et statut d’être sexué. Côté hommes, l’envie, par exemple, à l’endroit d’une jouissance qui échoit spécifiquement aux femmes. Côté femmes, la difficulté fréquente d’une construction de leur propre féminité. Anne Juranville, agrégée de philosophie et professeur émérite de psychologie clinique (Université de Nice-Sophia-Antipolis), a déjà publié notamment : La femme et la mélancolie (Puf, 1993), Figures de la possession (Presses Universitaires de Grenoble, 2001), La mélancolie et ses destins (InPress, 2005), et La psychanalyse à l’épreuve de l’art (Editons Universitaires Européennes, 2017).