La notion d'énigme, fréquemment invoquée à propos de la littérature
romanesque arthurienne, est en réalité une notion complexe
et protéiforme qui se définit comme figure de discours,
forme fixe et mode d'investigation herméneutique. Dans cet univers,
les héros se distinguent des figures oedipiennes, soumises à
la parole contrainte et à la révélation de la devinaille : les quêteurs
arthuriens manifestent les signes d'une subjectivité naissante
qui les pousse à interroger l'autre et le monde. Pourtant, le
désir de savoir et l'entreprise herméneutique s'avèrent parfois
décevants et l'énigme illusoire. D'interrogations comblées en
questions oubliées ou en attentes déçues, les textes développent
un effet d'énigme qui entretient la tension romanesque et apparaît
comme un facteur poétique essentiel. Fondé sur le jeu des
failles et des réécritures, l'effet d'énigme repose sur une esthétique
de la béance et du voile qui contredit l'apparente clôture de
l'espace textuel. Malgré la prégnance du modèle scripturaire, le
roman arthurien se découvre alors comme un monde des possibles,
une oeuvre de fiction consciente de sa nature. Le Graal et
l'identité constituent ainsi deux grands paradigmes qui garantissent
la pérennité et la vigueur de l'entreprise romanesque.