L'oeuvre politique de Christine de France, régente du Piémont-Savoie
de facto de 1637 jusqu'à sa mort en 1663, est remise à l'honneur par
l'historiographie récente. Fille d'Henri IV et de Marie de Médicis,
soeur de Louis XIII, «Madame Royale» a pourtant été longtemps
discréditée ou ignorée par ses compatriotes dans sa fonction de femme
d'État. Nullement apatride, mais assurément transfrontalière, elle s'est
retrouvée dans une situation particulière : française de naissance et de
coeur mais régente au-delà des Alpes, à cheval en quelque sorte sur deux
histoires «nationales», elle a tenté par tous les moyens de préserver
l'existence d'un État sabaudo-piémontais, héritage de ses enfants.
Dans l'élan de nouvelles recherches, deux aspects fondamentaux
du gouvernement de Christine de France sont abordés ici. Tout
d'abord, l'analyse de diverses expressions culturelles étoffe l'image
princière : décors et cérémonies, de Chambéry à Turin, démontrent
une aspiration à la royauté. Sa pratique du pouvoir, d'autre part, se
révèle dans les rapports qu'elle entretient avec les principaux acteurs
utiles à son action - courtisans, sénateurs savoyards, ambassadeurs. Les
études de ce volume précisent donc la personnalité de la duchesse, qui,
en plus d'une appétence pour les plaisirs de la vie de cour, révèle son
talent à tenir les rênes du pouvoir, dans la lignée des ducs précédents,
de manière efficace dans la durée. La plupart de ses choix, dictés par
la raison d'État, ont pacifié le duché tout en renforçant la dynastie
dans ses rapports avec les voisins européens. Capable de faire face à son
destin, cette femme a contribué à hisser son État au statut de puissance
intermédiaire, à l'aune des ambitions de la maison de Savoie portée
finalement sur le trône en 1713.