«Effectivement, le vieil homme faisait simplement écho à la rumeur générale qui courait, désormais, à travers tout le pays. Unanime, le peuple s'était dressé contre ce mariage. Arabes, chrétiens ou juifs, tous redoutaient Egilona. N'avait-elle pas porté les armes contre eux ? N'avait-elle pas incité Roderick à les attaquer ? Enflammé ses troupes contre T'arîq ? Voyagé jusqu'aux confins des Asturies pour conclure des alliances ? Même les Mawallis, ses anciens coreligionnaires, la craignaient ; ils connaissaient fort bien sa piété et son attachement à la foi chrétienne. Ils savaient pertinemment qu'elle ne l'avait répudiée que par calcul. Mais lorsque la rue apprit qu'elle était d'origine berbère, les méchantes langues redoublèrent d'ardeur ; sa tribu, les Baranîs, n'était-elle pas alliée aux hérétiques `Berghawata' ? Ne méritait-elle pas, par conséquent, la mort, comme tous les disciples du renégat Salih, leur chef militaire et leur soi-disant prophète, cet imposteur qui avait commis le crime ô combien abominable, de rédiger un nouveau Coran en langue berbère et d'appeler Allâh, Yakuch ?»