Le mélodrame musical - récitation alternée avec ou juxtaposée
sur une musique - est un genre protéiforme, dont on trouvera
ici une synthèse riche en informations. Jacqueline Waeber
en suit les différentes incarnations, depuis la «scène lyrique» de
Pygmalion, monologue écrit par Jean-Jacques Rousseau et mis en
musique par Horace Coignet (1770), les scènes dramatiques du
Sturm und Drang allemand et ses croisements avec le théâtre larmoyant
en France au début du XIXe siècle. Intimement lié à la forme
du monologue, il revient alors chez les grands compositeurs comme
Berlioz, Schumann ou Liszt, puis sous la forme du «mélodrame de
concert», soutenu à la fin du siècle par un art sophistiqué de la déclamation.
Souvent considéré un peu de haut, ou comme un genre
hybride, l'auteur montre que c'est précisément ce caractère indécidable
qui en forme l'essence : le mélodrame interroge un
certain nombre de notions esthétiques, reformulées, voire mises au
défi - celle d'une «langue originelle» unique au XVIIIe siècle, les
artifices de la narration en musique, la présence du corps et du geste
comme explication en acte de la parole, faisant du mélodrame l'ancêtre
de la musique de film et le premier multimédia, ou encore
l'idée d'un art «outré», que l'on percevra encore dans ce qui est
peut-être un point de non-retour du genre, le Pierrot lunaire de
Schoenberg.