Avoir vingt ans à Mogadiscio. Déjà une génération de guerre. Et plus
encore d'exils. La Somalie reste l'objet de prédations imaginaires et matérielles,
où s'affrontent les fictions meurtrières d'une rhétorique générale de
la domination. Un armement idéologique de langages, fourbis aux rythmes
enchâssés de la violence impérialiste, du nationalisme et des sécessions, reproduit
depuis plus d'un siècle les prosodies de pouvoir de la littérature somalienne,
dans le sens d'une mise au pas de la langue et des élites, intégrées
au système de valeurs du capitalisme agro-pastoral : Nation de nomades,
Nation de poètes, fantasme matriciel des brousses, allégorie éternitaire de
la Chamelle, paradigme céleste du peuple unique, race somale... Et les
symétries renversées, dans les combats et dans la fuite, d'un tel récit de
normalisation collective : désert morbide, viol des cités, dissémination,
contamination, poétique des rancunes et Chamelle éventrée...
Diaspora. Intellectuels et créateurs oscillent encore entre les codes militaro-académiques
du Discours somali et les marges d'une épistémologie
alternative où délivrer les mots captifs, jusqu'au sein du discours amoureux.
Contre l'arrogance mortelle de ceux qui suscitent toujours un Général en
eux, un espoir reste à prendre. Ces essais ne seront rien s'ils n'y contribuent
pas un peu, dans le principe de fraternité vigilante.