«Sauf un nombre infime de malheureux qui ont
consciemment préféré le triomphe de l'ennemi à la victoire
de la France, la masse immense des Français n'a jamais
voulu autre chose que le bien de la patrie.» Par ces mots
prononcés à la radio le 31 décembre 1944, le général de
Gaulle entretenait la fiction d'une France unanimement
résistante et signifiait par-là qu'il souhaitait une épuration
limitée dans le temps et s'attaquant à un nombre raisonnable
de personnes. C'était oublier les profondes divisions des
Français et les haines accumulées dans un pays durement
occupé pendant quatre ans. Haines qui explosent à la
Libération, où une épuration sauvage voit la multiplication
d'exécutions sommaires de miliciens et de collaborateurs
(ou supposés tels), tandis que les «tondues», celles que
les foules accusent de «collaboration horizontale», sont
exhibées dans les rues. Il faudra que les organes de
l'Epuration - cours de justice dans chaque cour d'appel,
Haute Cour de justice, chambres civiques - s'installent pour
donner un cours légal à un phénomène qui prend une
ampleur inattendue.
Grâce à des archives inédites, l'auteur établit que
l'Epuration a concerné un demi-million de Français, un million
et demi en incluant les entourages familiaux, soit un
Français sur trente, toutes générations confondues.
Décrivant les pratiques épuratoires, établissant la typologie
des milieux épurés, décryptant les enjeux opposant les
acteurs politiques, il montre que l'Epuration est un phénomène
social massif ayant bouleversé la France jusqu'en
1958.