Parmi la kyrielle des artistes qui ont illustré les Fables
de La Fontaine, de Jean-Baptiste Oudry et Fragonard
jusqu'à Marc Chagall, en passant par Grandville et Gustave
Doré, la version de Benjamin Rabier acquiert dès
sa publication en 1906 une pérennité sans faille.
Car cet artiste animalier sait en l'occurrence utiliser
en le réinterprétant un style grandement et génialement
inspiré des estampes japonaises. Il adopte un cadrage
extrêmement diversifié, variant les motifs, les coloris,
les plans et le format des vignettes, tout en permettant
une lisibilité et une parfaite symbiose entre textes et images.
L'anthropomorphisme qu'il applique tant au monde
animal que végétal insuffle un supplément d'humour
à l'oeuvre du poète. Sa liberté de dessin, sa fantaisie alliée
à une maîtrise formelle préfigurent la bande dessinée
dans l'esprit de la «ligne claire» chère à Hergé,
mais également les tout premiers dessins animés qu'il
réalisera peu après avec Émile Cohl.
Le florilège présenté dans cette édition illustre parfaitement
le mot du grand fabuliste : Si la vérité vous
offense, La fable au moins se peut souffrir.