Ma mère m'a laissé une énigme, l'histoire de notre
relation. Elle avait la particularité de n'aimer que des
homosexuels. Elle travaillait chez Gallimard et était
écrivain. Elle m'a permis d'être le témoin, avec mes
yeux d'enfant, d'un moment exceptionnel de la vie
intellectuelle, littéraire et éditoriale. Une bourrasque
d'individus remarquables qui avaient envie d'être
libres au sortir de la guerre. Violette Leduc, Duras,
Florence Malraux, Jorge Semprun, Faulkner, Jean
Genet, Queneau, Giacometti. Je les ai côtoyés sans
être consciente de mon privilège.
Je la regarde, je l'aime. Je ne comprends pas tout. Je
ne vis qu'avec des adultes. J'observe, je grandis, je pose
des questions. Ma mère se dérobe. Me dire la vérité,
c'est déclarer ses failles. Ce roman parle du silence. Je ne
sais plus si je l'aime. Je l'ai trop protégée. Elle s'appelle
Monique Lange, et elle a tout d'un ange.
Je rêve d'un monde où plus personne n'aura honte
d'avouer ce qu'il est ou ce qu'il a été.