Flaubert romancier a toujours revendiqué le caractère impersonnel
de ses écrits. C'est pour lui un parti pris esthétique fondamental
: l'écrivain ne parle pas de lui-même dans son oeuvre,
laquelle doit rester étrangère à l'expression intime de soi. Or
Flaubert est aussi un épistolier prolixe. Faut-il alors voir seulement
dans sa correspondante un exutoire à l'ascèse personnelle
imposée par ses conceptions artistiques ? De la voix publique à
la voix privée se tissent des relations bien plus subtiles. Amélie
Schweiger, en confrontant la correspondance et l'oeuvre et en
examinant également l'inscription des lettres dans les textes littéraires,
montre comment écritures littéraire et épistolaire sont
étroitement liées. L'expression de soi et l'adresse, selon ce système
je/tu qui structure l'échange épistolaire, accompagne, comme en
miroir et non sans tensions, l'émergence et le cheminement de
l'écrire impersonnel.